2023 / Jean-Jacques Rettig d'Alsace : militant écologiste, opposant au nucléaire et ami
Veröffentlicht am 17.11.2023

Jean-Jacques Rettig d'Alsace : militant écologiste, opposant au nucléaire et ami
Mon ami, l'Alsacien Jean-Jacques Rettig,
né en 1937, est un "vétéran" toujours actif du mouvement écologiste et antinucléaire alsacien. L'ancien professeur du secondaire était déjà là en 1974 lors de l'occupation du chantier contre l'usine chimique de Marckolsheim, en Alsace, et il était également à l'avant-garde de la protestation contre la centrale nucléaire de Wyhl. Le 17 juillet 1970, après la parution du premier article de la "Dernière Nouvelle d'Alsace" sur la centrale nucléaire de Fessenheim, il fonde une initiative citoyenne avec trois familles. En 1971, il y avait déjà 1 500 personnes, dont 150 Allemands. Quatre ans plus tard, ils étaient 15 000. Jean-Jacques est actif depuis plus de 50 ans et il n'est « pas seulement » un opposant aux centrales nucléaires. C’est aussi un grand Européen engagé.
Lorsque Jean-Jacques Rettig se rend à Marckolsheim en 1974 pour occuper le chantier d'une usine de plomb extrêmement polluante, c'est encore l'époque de la « bonne vieille destruction et empoisonnement environnemental ouvert » et surtout visible en France et en Allemagne. Les rivières étaient des égouts puants, les enfants autour des usines d'incinération souffraient du pseudocroup et les vaches autour des usines chimiques au plomb mouraient d'empoisonnement au plomb. A cette époque, les déchets nucléaires suisses étaient déversés dans la mer. C’était la période d’après-guerre, peu critique et obsédée par la technologie, au cours de laquelle, malgré la connaissance des dangers par les entreprises, l’amiante était toujours utilisée sans inhibition.
Aujourd’hui, 50 ans après ces premiers conflits, l’air et l’eau sont devenus plus purs. Vous pouvez à nouveau nager dans nos ruisseaux. L’électricité éolienne et solaire est plusieurs fois moins chère que l’électricité produite par les nouvelles centrales nucléaires.
Ces succès pour l’homme, la nature et l’environnement ne sont pas tombés du ciel. Nous devons pour cela à des personnes comme Jean-Jacques Rettig.
Axel Mayer
(connaît Jean-Jacques depuis l'occupation du chantier à Marckolsheim en 1974)
Jean-Jacques Rettig, fondateur du CSFR (Comité de sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin), milite depuis 43 ans contre le nucléaire aux côtés des comités de citoyens badois. Archives Dom Poirier
Née en 1970 en Alsace, la résistance aux centrales nucléaires est sans doute le plus transfrontalier des mouvements sociaux. Explications de Jean-Jacques Rettig, pilier de la lutte antinucléaire.
Seul le Rhin pourrait dire combien de voix ont clamé sur ses rives « Non au nucléaire, ni ici, ni ailleurs ». Des milliers, peut-être des millions. Parmi elles, celle de Jean-Jacques Rettig, qui a été de toutes les manifestations ou presque, depuis 43 ans.
Tout commence le 17 juillet 1970, quand il apprend par la presse le projet de construction de quatre réacteurs à Fessenheim. Depuis trois ans, il refuse, avec son épouse Inge, enseignante comme lui dans la vallée de la Bruche, les radioscopies des poumons obligatoires : « On prenait 5 rems à chaque radio, autant qu’il est permis à un travailleur du nucléaire pour un an. Cela n’inquiétait guère les médecins : nous leur apportions les publications allemandes et autrichiennes que nous avions traduites pour l’Association pour la protection des rayonnements ionisants, fondée par Jean Pignero. »
Pour les Rettig et trois familles amies, averties des risques de la radioactivité, même à faibles doses, il importe de faire connaître les risques des centrales nucléaires pour la santé, la génétique, l’environnement, sur le problème des déchets… C’est ainsi que naît le CSFR, Comité de sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, la plus ancienne association antinucléaire de France, peut-être d’Europe. Sa première marche contre la construction de Fessenheim, au printemps 1971, rassemble 1 500 personnes dont 150 Allemands. « Aussitôt, du côté badois, se constituent des Bürgerinitiativen, des comités d’initiatives citoyennes. Des contacts s’établissent de part et d’autre du Rhin. Avec aussi des Suisses opposés au projet de la centrale de Kaiseraugst. »
Deux ans plus tard, le plan Messmer de « mise en œuvre du tout nucléaire » annonce quelque 70 centrales en 20 ans, dont une bonne demi-douzaine en Alsace. Du côté allemand, il est prévu d’en construire une à Breisach : les vignerons du Kaiserstuhl s’y opposent en 1972. Le projet est abandonné, remplacé par celui de Wyhl, près de Marckolsheim.
Quand les engins de chantier arrivent, en février 1975, les antinucléaires, Badois et Alsaciens réunis, s’y opposent, occupant le site pendant huit mois. Négociations, expertises, procès : en avril 1977, le tribunal de Fribourg déclare irrecevable le projet de Wyhl. La même année, à quelques kilomètres au sud, deux réacteurs sont mis en service à Fessenheim. « Cette occupation de Wyhl a été un moment très fort : Allemands et Français ont redécouvert que nous étions frères, voisins, de culture identique, souligne Jean-Jacques Rettig. Des vignerons du Kaiserstuhl rappelaient que nos pères se tiraient dessus et affirmaient que si jamais cette folie devait ressurgir, ils refuseraient. »
De solides amitiés franco-allemandes se sont nouées à Wyhl, des couples se sont mariés. L’appel à l’amitié franco-allemande du général de Gaulle et d’Adenauer a pris une tournure inattendue : « Ce mouvement a mis en échec la construction de douze réacteurs le long du Rhin : Breisach, Wyhl, Gerstheim, Kaiseraugst, Fessenheim 3 et 4. Pour l’avenir de tous, Français, Allemands, Européens, ça vaut le coup. »
Pourquoi les Allemands, qui ont réussi à bloquer les projets sur leur rive, sont-ils presque toujours plus nombreux que les Français à manifester contre Fessenheim ? « La centrale est certes du côté français, mais ce n’est pas que la nôtre. En cas d’accident, les Allemands subiraient plus de conséquences que nous : les vents d’ouest sont dominants, rappelle Jean-Jacques Rettig. Et puis les Allemands se mettent plus facilement derrière un seul homme ou une idée, ils passent vite à l’action, sans discuter des heures. C’est un danger, mais aussi une force. »
Pour ce prof d’allemand retraité et militant non-violent qui assure le lien entre les associations antinucléaires de part et d’autre du Rhin, le fleuve n’est pas une frontière, pas plus qu’il ne l’a été pour le nuage de Tchernobyl. Éduqué à l’esprit critique par ses parents, qui avaient vécu les deux guerres mondiales, il plaide pour plus de démocratie : « En France, la classe politique est centraliste, refuse la participation des citoyens, applique la doctrine centrale et habitue les citoyens à zapper. Cela fait la force des lobbies. Jamais elle ne se demande si Tchernobyl ou Fukushima peut arriver en France. Elle est dans le déni total quand des millions de personnes souffrent de la contamination. Alors qu’en Allemagne, les Länder ont leur mot à dire sur l’implantation des centrales et la sécurité nucléaire. Après la guerre, les Allemands se sont remis en question et sont devenus plus démocrates. »
(Source : L'Alsace - Élisabeth Schulthess - le 08/02/2013)